“Regarder la rue sans baisser les yeux”

Harcèlement de rue, masc. locution nominale: Comportement d’interpellation d’une personne dans l’espace public réalisé de manière intimidante, irrespectueuse, menaçante ou insultante, en raison de son sexe, de son genre ou de son orientation sexuelle. C’est sur cette notion que des jeunes ont travaillé, avec l’artiste Margot Mégier (Magma), pour notre…

Témoigner, échanger, comprendre

Les ateliers avec Margot Mégier, artiste sélectionnée dans le cadre du Festival Street Art, ont eu lieu au Centre Jacques Brel, au Centre Social Eclaté, Maison de Quartier Marlborough et au Nautilus. C’est avec les adolescents des centres que l’artiste a travaillé sur le harcèlement de rue.

Dans un premier temps, les jeunes ont pu questionner cette notion. Le harcèlement de rue, ça veut dire quoi? Est-ce la même chose que de draguer quelqu’un? Où se situe la frontière? Pourquoi est-il nécessaire d’en parler? De vouloir que cela s’arrête?

Anonymement, par écrit, ils ont ensuite témoigné au sujet d’expériences vécues. Leurs récits leur ont permis de comprendre que tous et toutes avaient été confrontés au problème du harcèlement de rue, et les ont aidés à redéfinir le terme. “La différence avec la drague, c’est qu’il y a de l’insistance. Quand la personne dit non, et que ça part dans de la violence, avec des mots ou des gestes”, résume l’une des jeunes. Ils ont ensuite parlé des conséquences de ce harcèlement: plusieurs adolescentes ont avoué ne pas sortir sans une veste pour cacher leur corps, ou sortir seule. D’autres n’hésitent pas à faire un détour pour éviter de passer dans certaines rues.

Bien sûr, le groupe a aussi proposé des solutions face aux situations présentées dans les témoignages:

  • Intervenir lorsqu’on est témoin, même juste pour montrer que la victime n’est pas isolée, en se faisant passer pour l’une de ses connaissances
  • Filmer l’agresseur pour avoir des preuves de son acte
  • Faire, comme cette fille, des bruits d’animaux pour inciter l’agresseur à s’éloigner
  • Lorsque l’on est victime, ne pas hésiter à interpeler les passants

“BADASS” et “TCHAO LES BADAW”, BD sur le harcèlement de rue

Après la discussion, place à la création! Afin de poursuivre leur travail sur le harcèlement de rue, les jeunes ont eu pour mission de créer une bande dessinée. Quelques contraintes de réalisation ont été posées:

  • une héroïne
  • une histoire sur le thème du harcèlement de rue
  • une fin heureuse pour l’héroïne
  • une histoire qui se passe dans un lieu connu des jeunes
  • Deux scenarii sont nés:

    BADASS

    BADASS raconte l’histoire d’Elisa, qui rentre de la foire, avec, sous le bras, une peluche en forme de pieuvre qu’elle vient de gagner. Alors qu’elle est sur le pont Marguet, elle se sent suivie, et bientôt, un inconnu l’aborde: “T’as pas une clope?”. Devant le “non” d’Elisa, l’inconnu insiste et devient violent. D’un geste, il jette la peluche à l’eau… Grave erreur, car celle-ci, au contact de l’eau, se transforme. Devenue une véritable pieuvre, elle s’attaque à l’agresseur. Elle le saisit entre ses tentacules pour l’entraîner dans les eaux du port de Boulogne-sur-mer. Elisa reprend son chemin, sereinement.

    TCHAO LES BADAW

    TCHAO LES BADAW raconte la fin de soirée d’Amina et Marceline, pendant le Carnaval du Portel. Marceline est un peu éméchée. On découvre qu’elle a bu plusieurs verres, servis par le même garçon. Heureusement, son amie Amina est intervenue. Maintenant arrivée à la Station Liane, elles font la mauvaise rencontre d’un groupe de carnavaleux alcoolisés. Les hommes les interpellent, au moyen de références grivoises qui viennent des chants de Carnaval. Ni Amina ni Marceline ne sont sensibles à “leur charme” et bientôt, la situation dégénère et devient dangereuse pour les deux jeunes filles, qui se retrouvent encerclées. Par chance, le bruit créé par l’altercation éveille l’intérêt de deux autres filles, et de leur chien, Roy. Ce dernier n’a rien d’un chien ordinaire: grâce à l’effet d’une croquette magique, il devient géant. Ses maîtresses et lui courent donc au secours de nos deux carnavaleuses, mettant en fuite leurs agresseurs.

    Aidés par Margot, les jeunes ont donné vie à ces histoires, en dessinant les planches, créant les dialogues, mettant le tout en couleurs. Le personnage d’Elisa est directement inspiré de l’une des participantes des ateliers: c’était le choix de ses camarades d’en faire leur héroïne. Il en va de même pour l’une des “sauveuses” de Marceline et Amina, inspirée de Donna, qui a participé aux ateliers au Centre Jacques Brel.

    Une fresque sur la place des filles dans la rue

    L’étape suivante de cette action a été, pour Margot Mégier, de se nourrir de tout ce travail réalisé avec les jeunes pour la création d’une fresque sur la thématique des femmes dans l’espace de la rue.

    135 rue du Chemin Vert - Fresque de Margot Mégier (Magma)

    Kévin et Corentin, deux jeunes de la Sprene, ayant participé à notre semaine d’atelier, ont assisté Margot pendant les premières phases de réalisation de la fresque. Trois autres jeunes, Elisa, Donna et Océane, ont prêté leurs traits aux personnages peints sur le mur. Cette fresque défend l’égalité femmes-hommes au quotidien, dans l’espace urbain. Les portraits de trois adolescentes rappellent que la rue appartient aussi bien aux hommes qu’aux femmes, qui doivent pouvoir regarder la rue sans baisser les yeux, sans changer de trottoir, sans craindre d’être attaquées, harcelées. “Regarder la rue sans baisser les yeux”: un résumé d’un droit que demandent les femmes, celui de pouvoir être elles-mêmes sans crainte.

    La suite de l’action?

    LK Vision nous accompagne sur toute cette action et va réaliser un documentaire suivant le travail des jeunes et de Margot. La diffusion de ce reportage s’accompagnera d’une première exposition des bandes dessinées, en fin d’année. La fresque “Regarder la rue sans baisser les yeux” rejoint les œuvres de l’édition 2022 du Festival Street Art. Elle est désormais visible au 135 rue du Chemin Vert.

    Dans le cadre de notre action Liberté, Égalité, Créativité. Avec le soutien de l’ANCT, de la Région Hauts-de-France, de la Communauté d’agglomération du Boulonnais et de la Ville de Boulogne-sur-Mer. Avec la participation du Centre Jacques Brel, du Centre Social Eclaté, du Nautilus et de la Sprene. Action intégrée à la programmation du Festival Street Art grâce au concours de Monsieur Amziane Abid.